mercredi 11 août 2010

Sotrama transports

Chaque matin, je marche une quinzaine de minutes pour rejoindre le bord du goudron et prendre mon Sotrama. Au Mali, les taxis ne sont pas collectifs (le principe du taxi collectif étant qu’ils promènent 4 à 5 passagers en même temps sur un trajet à la demande et qu’ils sont donc peu coûteux) et sont réputés pour leurs tarifs élevés et leur conduite erratique. Sans parler de leur réputation d’escrocs ni de l’énergie qu’il faut dépenser en négociations lorsqu’on a la chance d’être une toubab. Bref, je vais au boulot en Sotrama, ce qui des fois constitue une petite aventure…
Les Sotramas, c’est ces minibus qui sillonnent Bamako à toute allure, généralement pleins comme des œufs, promenant leurs passagers sur des parcours fixes mais avec arrêts à la demande : « Prentiké, akoci ! ». Le « prentiké », c’est le jeune homme, parfois l’enfant, qui se penche dangereusement par la porte ouverte en criant à pleine voix la destination du Sotrama, qui aide les vieilles à monter leurs bassines et autres contenants surdimensionnés, qui récupère le prix de la course en menue monnaie et qui fait s’arrêter le véhicule en fonction des passagers qui montent ou qui descendent. J’ai longtemps cru qu’il s’agissait d’un « prend-ticket » dont le nom avait pour origine la vente de tickets de voyage aux passagers, pratique tombée en désuétude. Eh bien pas du tout. « Prenti » est la prononciation déformée de « apprenti », ké étant le mot bambara qui désigne l’homme. Au même titre que « Chauffeur-ké ». Et pour communiquer, justement, avec le chauffeur-ké, le prentiké donne des coups sur la carrosserie, un seul ou plusieurs en rafale, selon l’humeur ou l’urgence. Alors pour descendre, on lui dit : « Cogne ! ».
 Différents modèles de Sotramas sont en circulation, plus ou moins hauts, plus ou moins trapus, mais toujours de couleur verte. Jaune pour les taxis, vert pour les Sotramas, c’est comme ça. Le prix de la course est fixe pour une certaine distance, en général 150 F CFA, soit environ 30 cents canadiennes pour un ou deux kilomètres.
Ils seraient plus de 6 000 à circuler dans Bamako et jusqu’à ses lointaines banlieues, et constituent le principal moyen de transport des bamakois. Souvent mal entretenus et conduits par de jeunes chauffeurs inexpérimentés (la rumeur prétend que certains roulent sans permis) ou téméraires, ils sont régulièrement mis en cause dans les accidents de la circulation.
À l’intérieur, une vingtaine de passagers entassés sur les bancs en bois qui courent le long de la carlingue, les pieds hésitants entre bassines, sacs de légumes, marmites, pneus, poules, etc. Des disputent fréquentes éclatent entre passagers et prentiké sur le nombre de sardines insérables dans l’habitacle. Je suis souvent ébahie de voir à quel point le corps humain peut, dans certaines conditions, approcher la 2D. Les vieilles parlent fort et en général, plaisantent beaucoup. Ou se plaignent beaucoup, ça dépend. Parfois une femme dort, la tête dans le creux de son bras pendu à la barre de sécurité qui permet de s’accrocher en cas de virage un peu trop sec. Très souvent, les mamans donnent le sein à leurs enfants pour calmer leurs cris ou leurs pleurs. Les plus vieux jouent avec dans l’indifférence générale, s’envoyant parfois une giclée de lait dans la figure. Lorsqu’une femme en niqab noir est assise juste à côté, ça fait contraste, mais je crois bien être la seule à le remarquer tant le sein à l’air, ici, fait partie du paysage.
Certains Sotramas sont décorés de posters de rappeurs à casquette et gourmette plus ou moins has been ou de Madonna tout en rimmel et résille noire, période Desperately seeking Susan. Ou encore de jeunes musulmanes à l’œil humide, emballées dans des hijabs beiges en synthétique infroissable, mains jointes, en extase sur fond de Kaaba. Parfois les deux se tiennent côte à côte, Madonna et les pucelles.
Certains rares matins, lorsque que le compartiment arrière est vraiment, vraiment plein et que le prentiké croit que la blanche risque de lui piquer une crise de nerfs au milieu de l’entassement, j’ai la chance de monter aux côtés du chauffeur-ké. Là, royale sur le siège avant, je peux contempler le paysage bien en face. Et le lendemain, je retrouve les sièges en bois et la chaleureuse proximité de mes compagnons de route. « Prentiké, akoci ! ».

Pour un petit supplément à la sauce malienne :

http://www.bamanet.net/index.php/magazine/societe/9847-secret-de-femme--quand-les-sotramas-sont-le-theatre-des-medisances.html
http://www.journaldumali.com/article.php?aid=1847

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